Puisque j’ai mis ma lèvre à ta coupe encore pleine,
Puisque j’ai dans tes mains posé mon front pâli,
Puisque j’ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l’ombre enseveli,
Puisqu’il me fut donné de t’entendre me dire
Les mots où se répand le cœur mystérieux,
Puisque j’ai vu pleurer, puisque j’ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux;
Puisque j’ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours,
Puisque j’ai vu tomber dans l’onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours,
Je puis maintenant dire aux rapides années : — Passez !
passez toujours ! je n’ai plus à vieillir !
Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées;
J’ai dans l’âme une fleur que nul ne peut cueillir !
Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m’abreuve et que j’ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n’avez de cendre !
Mon âme a plus d’amour que vous n’avez d’oubli !
écrit par Victor Hugo
vendredi, septembre 01, 2006
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